Un modèle écologique pour la libération animale

Un modèle écologique pour la libération animaleUn modèle écologique pour la libération animale

Traduction International Campaigns de la vision militante et politique pour le Royaume-Uni d’un des pionniers du mouvement international pour les droits des animaux publiée sur son blog en janvier 2014. Ronnie Lee se présente comme suit pour International Campaigns :

« Même si je suis surtout connu comme l’un des fondateurs de l’Animal Liberation Front, j’estime aujourd’hui qu’une association d’éducation du public et d’action politique est la voie la plus efficace vers la libération animale. C’est pourquoi je suis désormais très investi dans la sensibilisation au véganisme et dans le parti britannique Les Verts (Green Party). Concernant plus particulièrement la vivisection, encourager le public à s’impliquer dans des boycotts peut avoir son effet, mais pour mettre totalement fin à l’expérimentation animale, il nous faut des lois efficaces et soutenir les politiciens qui permettraient d’adopter une véritable législation contre la vivisection. »

Ce qui suit résume ma vision personnelle après plus de 40 ans de militantisme au sein du mouvement pour la libération animale.

Il est destiné à tous ceux qui souhaitent voir la libération animale ou une situation qui se rapproche le plus possible de l’abolition de toute persécution, exploitation ou mise à mort des autres animaux par les êtres humains.

Il met également l’accent sur les projets qui devraient être mis en place, en Angleterre plus particulièrement car il se peut que la situation soit différente dans d’autres pays, en particulier au niveau politique.

L’absence de stratégie globale ou de plan directeur qui permettrait de parvenir à la libération animale m’a longtemps préoccupé et je pense que c’est pour cette raison que notre mouvement manque d’unité et que nous n’utilisons pas nos ressources de manière efficace.

L’élaboration d’un tel plan directeur, ou « modèle écologique » comme j’ai l’habitude de l’appeler, exige avant tout que nous essayions de comprendre les raisons qui poussent l’espèce humaine à persécuter, exploiter et tuer les autres animaux.

Bien que les mauvais traitements que l’espèce humaine inflige aux autres animaux soient aggravés par différents facteurs, la principale cause de tous ces maux provient de ce que l’on appelle le spécisme ou suprémacisme humain. Il s’agit de la croyance arrogante, égoïste et irrationnelle selon laquelle les intérêts des êtres humains seraient fondamentalement supérieurs à ceux des autres animaux sensibles.

En tant que socialiste, j’aspire à la fin du capitalisme. Mais s’il est vrai que la cupidité, le gaspillage et la recherche du profit inhérents au capitalisme sont des facteurs aggravants de la maltraitance et de l’exploitation des autres créatures, l’exploitation animale perdurerait tout de même dans une société socialiste spéciste.

Toute exploitation animale découle inéluctablement du spécisme. C’est donc contre l’état d’esprit spéciste des êtres humains que nous devons lutter si nous voulons obtenir la libération animale et faire tout notre possible pour créer une situation où les humains se comporteraient de manière non spéciste envers les autres animaux.

On a souvent tendance à segmenter l’exploitation animale en différentes catégories (vivisection, commerce de la fourrure, zoos, chasse, élevage, etc.), mais toutes ces catégories ne sont finalement que les symptômes d’un mal sous-jacent : le spécisme et, à moins de traiter ce mal à la racine pour y remédier, nous serons indéfiniment confrontés à ses symptômes.

Si nous voulons convaincre les êtres humains de vivre de manière non spéciste, le plus important à faire est de les convaincre de ne plus consommer de produits animaux. La consommation de chair animale, d’œufs et de produits laitiers constitue en effet le comportement spéciste le plus ancré et le plus répandu. De plus, sur l’ensemble des différents secteurs qui exploitent les animaux, c’est l’industrie agroalimentaire qui concentre 99.5% de toutes les persécutions subies par les autres animaux (plusieurs milliards d’animaux sont abattus chaque année en Angleterre pour la consommation humaine, la deuxième place étant occupée par l’industrie de la vivisection qui cause environ 4 millions de victimes chaque année).

Par conséquent, la sensibilisation au véganisme constitue la forme de militantisme la plus importante pour venir en aide aux autres animaux et il est indispensable que notre mouvement concentre ses efforts sur l’éducation de la population afin qu’elle devienne vegan.

Cela ne signifie pas que nous devrions arrêter de nous mobiliser contre les autres formes d’exploitation animale, mais que nous devrions faire en sorte de promouvoir le véganisme en même temps. Nous devrions donc toujours avoir de la documentation vegan à fournir au public sur les stands, dans les manifestations et lors des événements que nous organisons. En plus des informations relatives à une quelconque forme d’exploitation animale ciblée en particulier, chaque document remis au public devrait contenir des informations incitant tout un chacun à devenir vegan.

Si nous voulons convaincre les citoyens ordinaires d’adopter un mode de vie vegan, nous devons réfléchir aux meilleurs moyens à mettre en place.

Pour informer le public, nous devons aller là où il se trouve. Il faudrait donc que l’on organise des stands dans la rue ou lors des événements communautaires, mais aussi des dégustations gratuites auxquelles le public serait invité, etc. Nous devons également être présents dans ce que le public lit et écoute, c’est-à-dire dans des articles et des courriers envoyés aux journaux locaux ainsi que sous la forme d’interviews réalisés pour des radios et des télévisions locales.

Partant de ce principe, quel type de support pourrait permettre à cette présence médiatique et à ces évènements de sensibilisation locaux de se développer ? À mon avis, la réponse se trouve dans les groupes locaux de sensibilisation au véganisme.

Nous devrions donc essayer de mettre en place un vaste réseau de groupes de ce type à travers le pays afin de couvrir chaque ville ou commune, tout en formant les militants qui constituent ces groupes et en leur donnant l’assurance nécessaire pour qu’ils engagent le dialogue avec le public et les médias locaux.

Évidemment, il n’est pas toujours facile de sensibiliser le public au véganisme, et pour le faire de manière efficace, nous devons essayer de comprendre comment fonctionne l’esprit humain.

En règle générale, les gens ont plutôt des habitudes bien ancrées. Ils n’aiment pas le changement et ne veulent pas sortir de la masse, soit tout le contraire des militants pour la libération animale. Mais lorsque nous allons dialoguer avec les gens, nous devons les prendre tels qu’ils sont sans partir du principe qu’ils fonctionneront comme nous. Ainsi, nous devons rendre le véganisme aussi « normal » et facile que possible en évitant d’être frustrés si le message vegan ne passe pas assez rapidement. Il y a des risques pour que cela soit le cas au départ. Mais une fois que le véganisme ne sera plus considéré comme marginal et lorsque le nombre de vegans aura atteint un seuil critique, alors ce nombre augmentera de plus en plus rapidement.

L’objectif n’est cependant pas seulement de convaincre les citoyens ordinaires de devenir vegans, il est aussi de convaincre les vegans de s’impliquer dans les actions de sensibilisation au véganisme.

Selon les estimations de la Vegan Society, il y aurait plus de 150 000 vegans au Royaume-Uni. Certains sondages ont même porté ce chiffre à 600 000, mais pour développer mon argumentation, je m’en tiendrais à l’estimation la plus basse.

Il m’est souvent arrivé d’être seul ou seulement accompagné d’une autre personne lors des nombreux événements de sensibilisation au véganisme que j’ai organisés. Mais en admettant qu’il faille 10 vegans pour organiser un événement, cela signifie que si chacun des 150 000 vegans du Royaume-Uni participait à une action par mois, cela permettrait d’avoir 15 000 événements par mois, 3 000 événements par semaine et près de 500 événements par jour. Imaginez un instant combien de personnes deviendraient vegans si tel était le cas !

La plupart des vegans le sont parce qu’ils sont contre la souffrance et la mise à mort des animaux. Il y a donc toutes les chances de penser qu’ils veulent que ces pratiques cessent totalement (ou du moins que l’on parvienne à une situation s’en rapprochant le plus possible), mais le seul moyen d’y parvenir nécessite d’aller informer la population dans la rue.

L’étape la plus compliquée est certainement celle du passage au véganisme, avec les difficultés que l’on rencontre au départ et en particulier au niveau social. En comparaison, cela ne demanderait qu’un tout petit effort supplémentaire à une personne déjà vegan que de s’investir dans des actions de sensibilisation. Pourtant de nombreux vegans semblent en être incapables et cela pose un problème de taille que nous devons essayer de résoudre si nous voulons vraiment parvenir à la libération animale.

Je parlais plus haut de l’importance de la sensibilisation au véganisme pour convaincre la population de changer ses habitudes, et par conséquent, son comportement envers les autres animaux. Cependant, il serait parfaitement naïf d’imaginer que l’on puisse réussir à convaincre tout le monde et nous devons accepter que certaines personnes restent insensibles à nos tentatives de sensibilisation et continuent à soutenir et à participer à l’exploitation animale.

Deux raisons poussent généralement un individu à changer ses habitudes : soit parce qu’il le veut, soit parce qu’il craint les conséquences s’il ne le fait pas. Ce qui nous amène aux deux moyens permettant de changer le comportement humain : l’éducation ou la contrainte. Et pour ceux qu’on ne parviendrait pas à faire changer via l’éducation, il restera la contrainte.

J’abordais plus haut l’idée des groupes locaux de sensibilisation au véganisme comme vecteur d’éducation. Mais par quel moyen coercitif pourrait-on changer le comportement de ceux que l’on ne parvient pas à éduquer ?

Deux méthodes de contraintes pourraient être envisagées pour forcer la population à adopter un comportement approprié : soit la contrainte exercée par un individu (ou un groupe d’individus), soit la contrainte exercée par l’État.

La contrainte non-gouvernementale prendrait la forme d’actions directes illégales. Le problème, c’est que pour que cela soit efficace, il faudrait convaincre suffisamment de personnes d’y participer et il y a peu de chances pour que cela soit le cas.

Ce qui nous laisse l’option de la contrainte gouvernementale qui se caractériserait par l’adoption et l’application de lois permettant de protéger les animaux contre l’exploitation. Et afin que de telles lois soient votées, un gouvernement susceptible de le faire doit être élu.

Les gouvernements étant constitués par des partis politiques, il faudrait que le parti politique qui offre les meilleures chances de législation favorable aux animaux soit soutenu par tous ceux qui travaillent à la libération animale.

Je pense qu’on peut d’ores et déjà éliminer le Parti conservateur ou les Libéraux-démocrates. Mais qu’en est-il du Parti travailliste ? Malheureusement, rien ne laisse penser dans la philosophie globale ou les prises de position du Parti travailliste qu’il pourrait constituer une bonne alternative en termes de protection animale. N’oublions pas comment le Parti travailliste est revenu sur ses promesses de création d’une Commission royale chargée d’enquêter sur la vivisection, à quel point le nombre d’expériences cruelles ont augmenté pendant leur mandat ainsi que toutes les nouvelles lois qu’ils ont fait voter pour persécuter les militants antivivisection.

Mise à part une « interdiction » de la chasse à courre passée aux forceps et l’abolition de l’élevage d’animaux à fourrure (mais pas du commerce de fourrure), la plupart des formes d’exploitation animale ont continué à prospérer sous la mandature du Parti travailliste.

Selon moi, le parti qui permettrait d’offrir les meilleures perspectives de législation en matière de protection animale est le parti écologiste Les Verts (Green party).

Les Verts ont une politique qui mettrait fin à l’abattage des blaireaux, interdirait toutes les expériences sur les animaux, mettrait fin à tous les cirques avec animaux, renforcerait les lois contre la chasse, abolirait la chasse à tir et le piégeage, mettrait fin aux exportations d’animaux vivants et à l’élevage industriel et favoriserait le véganisme en encourageant une alimentation sans produits d’origine animale.

Le parti écologiste propose également des mesures fortes en termes de protection de l’environnement qui réduiraient les risques pour les animaux non-humains de pâtir de la pollution ou du changement climatique en préservant leur habitat naturel. Un grand nombre d’élus et de militants écologistes s’implique déjà à échelle locale, nationale ou européenne dans la lutte contre l’élevage industriel, les exportations d’animaux vivants, l’expérimentation animale, l’abattage des blaireaux, la corrida et bien d’autres formes d’exploitation animale.

Si nous voulons vraiment protéger les animaux au Royaume-Uni, nous devons porter les verts au gouvernement. Si nous ne faisons pas de notre mieux pour qu’ils y parviennent, nous serons en partie responsables du sort des créatures qui continueront à être persécutées sous le parti conservateur ou travailliste.

L’élection d’un gouvernement écologiste n’est pas une utopie. Les Verts ne proposent pas seulement les meilleures politiques en termes de protection animale, mais aussi en ce qui concerne la justice sociale et l’environnement. Si toutes les personnes sensibles à l’un ou plusieurs de ces problèmes soutenaient le parti écologiste, ils pourraient facilement accéder au pouvoir lors d’une prochaine élection.

N’oublions pas non plus que seulement 20% de la population devrait voter pour que les Verts y parviennent.

Comme je le disais plus haut, cela fait partie de la nature intrinsèque de l’être humain en général de rester passif et de ne pas sortir de la masse. Mais nul besoin d’être un militant engagé pour élire un gouvernement écologiste. Il suffit de mettre le bon bulletin de vote dans l’urne !

Les anarchistes actifs au sein du mouvement pour les animaux s’opposeront au soutien que je porte au parti écologiste, mais j’estime que ceux qui soutiennent l’anarchisme causent du tort à la libération animale en incitant la population à ne pas voter lors des élections.

En effet, la plupart des êtres humains ont tendance à suivre un chef de file. Donc le problème, c’est que s’il n’y a pas de bonne personne à suivre, la plupart des gens suivront inéluctablement une mauvaise. Les anarchistes servent donc directement les intérêts des mauvaises personnes puisqu’en recommandant aux défenseurs des animaux de ne pas aller voter, ils s’assurent que les partisans de l’exploitation animale restent au pouvoir.

De la même manière, soutenir le parti pour le bien-être animal (Animal Welfare Party) pourrait aussi s’avérer néfaste à la cause de la libération animale. En effet, cela pourrait priver le parti écologiste Les Verts des voix des défenseurs des animaux. Contrairement au Parti écologiste, le Parti pour le bien-être animal n’a aucune chance de pouvoir constituer un gouvernement. En effet, il n’est pas susceptible d’attirer que les voix d’une petite minorité de la population se préoccupant avant tout de la protection des animaux. À l’inverse, le parti écologiste a le potentiel pour attirer beaucoup de monde avec d’excellentes propositions en termes de justice sociale, d’environnement et de protection animale.

L’argument selon lequel il suffirait de convertir suffisamment de monde au véganisme pour que la politique change en conséquence et que l’on puisse obtenir des lois protégeant les animaux, et ce sans être forcément obligé de supporter le parti écologiste, est souvent avancé.

Le fait qu’un grand nombre de personnes souhaite que les animaux soient protégés ne signifie pas forcément que la législation sera passée en fonction de leur point de vue. À titre d’exemple, cela fait des dizaines d’années que la plupart des gens sont contre la chasse à courre sans que cette pratique n’ait pourtant jamais vraiment été abolie. De plus, une vaste majorité de personnes s’opposant à l’abattage des blaireaux n’a pas empêché cette pratique de perdurer. Le commerce de fourrure, l’exportation d’animaux vivants ou encore l’expérimentation animale témoignent également du fait que les lois ne reflètent pas l’opinion de la majorité.

Tout cela signifie qu’en parallèle de l’éducation vegan que nous devons apporter au public, nous devons soutenir les forces politiques qui pourraient constituer un gouvernement favorable à la protection animale et permettre de faire adopter une législation respectant l’opinion des vegans.

Par conséquent, ma vision du modèle écologique pour la libération animale est une association de sensibilisation au véganisme et de soutien au parti écologiste Les Verts. Je ne peux donc qu’encourager vivement chaque personne aspirant à la libération animale et à sa réalisation à s’engager dans les deux directions suivantes :

1) Rejoindre un groupe local de sensibilisation au véganisme (ou en créer un s’il n’existe pas) pour commencer à éduquer la population.

2) Rejoindre la section locale du parti Les Verts pour les aider à se faire élire tant au niveau local que national.

Aucun de ces 2 objectifs ne sera facile à atteindre, mais je ne vois aucun autre moyen. Là où je veux en venir est qu’il nous faut créer un autre type de mouvement pour la protection animale qui se basera moins sur des manifestations bruyantes et des actions directes à la « superman » et davantage sur la sensibilisation au véganisme et sur l’engagement politique.

Nous devons trouver le moyen de ne plus être les éternels perdants qui luttent sans cesse contre une force invincible. Il nous faut créer un contexte qui nous permettra de devenir une force capable de faire le monde à notre image et avant tout gagner la bataille pour la libération animale.

Cet article ne représente que ma propre vision de la situation et j’accueille volontiers toute critique constructive. Il est possible que mon projet ne soit pas facile à mettre en œuvre ou à réaliser. Mais j’ai au moins un projet et évitez de me dire qu’il n’est pas réaliste si vous n’avez rien d’autre à proposer !

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